Fin de Service

L'air était vivifiant ce soir, mais ce n'était pas vraiment une mauvaise chose. Quant on venait de passer une bonne heure à courir un peu partout dans un restaurant surchauffé par un four à pizza et à se brûler les mains sur des assiettes trop chaudes, un peu de fraicheur était toujours la bienvenue.
Mary était sortie prendre sa pause avec les fumeurs, comme d'habitude. Même si elle ne fumait pas, elle préférait que le patron en soit persuadé. Ça lui laissait un peu plus de temps pour souffler entre deux commandes. Ils étaient deux à être sortit par la porte de service actuellement bloquée par une pierre. Emmitouflés dans leurs mentaux, les deux serveurs discutaient de tout et de rien. Le serveur sortit une cigarette de son paquet, avant de le tendre machinalement à Mary. Le service été calme ce soir, et les rares clients étaient des habitués détendus et pas chiants. La jeune femme refusa poliment et la discutions continua au milieu de la fumée de tabac et de la buée de respiration. La conversation se poursuivit, dérivant sur un peu tout les sujets qui n'étaient pas le boulot. L'idée n'était pas vraiment de discuter, juste de se changer les idées.
Ils étaient en train de parler cinéma quant le chef de salle appela le Serveur pour le faire rentrer, a cause d'une histoire de table qui venait d'arriver. Le serveur tendit sa clope à demi-consumée qu'elle attrapa par réflexe alors que son collègue filait à l'intérieur en râlant.
Tout en finissant la cigarette de son collègue, Mary sourit légèrement. C'était toujours après les services tranquille qu'une table énorme se pointait juste avant la fermeture. C'était une des règles non-écrite de la restauration. Elle se dépêchât de finir le reste de tabac pour rentrer, puis se figeât en regardant le mégot fumant entre son index et son majeur droit. D'un geste rageur, elle l'écrasa et sortit son téléphone.
Au bout des trois sonneries habituelles, la voix enregistrée de la boite vocale de Lilly égrenât le message habituel.
//Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur téléphonique de "Si vous t'as ce numéro, tu sais très bien qui je suis". Veuillez laisser un message après le bip sonore.//
- Salut Lilly, dit nerveusement Mary dés que le dit bip sonore eut retentit. Apparament je fume toujours … Je croyais qu'on avait déjà réglé ça le mois dernier. Colle-toi un patch sur le bras et arrête : on n'a pas un poumon chacune. »
La jeune femme raccrocha. Elle était de bonne humeur jusqu'à maintenant. Tout en retournant dans la chaleur du centre commercial, vers son poste. Au moins, elle comprenait pourquoi elle était essoufflée quant elle montait des escaliers.

Mary entra dans la salle en même temps que les portes s'ouvraient. Elle avait espéré en profiter pour débarrasser quelques tables et éventuellement prendre de l'avance sur la fermeture, mais apparemment ce n'est toujours pas ce soir qu'elle allait pouvoir rattraper du temps de sommeil.
Elle plaqua un sourire franc sur son visage, et s'occupa d’accueillir les nouveaux arrivants.
« Bonsoir. Bienvenus à Little Italy. C'est pour combien de personnes ? »

Spoiler:

| Dernier service

Le temps avait été maussade, aujourd'hui. Presque autant que le fil de ta journée. Congédiée à la paperasse de fin de semaine, tu avais encore quelques dossiers sur le feu à boucler d'ici samedi. Et, comme à ton habitude, tu n'avais pas esquissée l'ombre d'une pause depuis ton arrivée au bureau. Pas que vos horaires et obligations soient si strictes, non, tu n'avais simplement pas le cœur à prendre ton temps. Les papiers et les rapport finalisés à 24h de la date d'échéance n'étaient pas ton hobby favori. Mais lorsque cela s'imposait, tu préférant largement ne pas faire de pause et espérer pouvoir tout boucler le plus rapidement possible. Bien-sûr, toute ta bonne volonté ne fut pas assez pour sauver ton après-midi.

Relevant les yeux du clavier, tu auscultas rapidement ta montre. C'était la troisième fois en à peine un quart d'heure. Le temps qui semblait enclin à te filer entre les doigts t'abrutissais de fatigue. Légèrement sonnée par cette dernière, tu te décidas enfin à refermer le capot de ton petit bijou d'ordinateur. Tes doigts endoloris craquèrent lorsque tu pris le temps d'étirer l'intégralité de ton corps svelte avant d’amorcer quelques pas entendus vers la lourde porte d'entrée. Ta veste que tu portais habituellement sur l'épaule, finit irrémédiablement enfilée sans aucune quelconque forme de procès lorsque le froid mordant de l'air t'arracha un soubresaut stupéfait. Une sale soirée, sombre et froide, se présentait. Le ventre creux et le froid présent jusque d'en ta moelle, tu te décidas à prendre la direction de ton petit jardin secret de prédilection.

Après une courte marche, les mains branlant tes avant-bras en un appelle à la chaleur, tu passas le pas de la porte du Little Italy. Une horloge prostrée dans un coin t'appris qu'il n'était pas loin d'être l'heure du dernier service. Bah, fidèle à toi-même, tu venais une fois de plus rallonger la dure labeur des quelques serveurs du coin. C'était les aléas du métier, après tout. Alors que tu soufflais dans tes paumes dans l'espoir de les réchauffer, une jeune demoiselle vint à ta rencontre, avec son éternelle rengaine commerciale aux lèvres. L'auscultant d'un œil critique, tu finis par répliquer sur un tons fade :

« — Une seule. Et loin de la porte d'entrée, si possible. Il caille sévère ce soir. J'aimerais autant m'éviter une pneumonie. »

Spoiler:

Le sourire qui étirait légèrement les lèvres de Mary était un chef-d'oeuvre, même si on ne pouvait pas vraiment le considérer comme une œuvre d'art.
C'était un sourire accueillant, chaleureux et témoignant d'une profonde gentillesse. Mais c'était également un sourire légèrement teinte d’inquiétante étrangeté. La serveuse savait sourire quant elle n'avait pas envie de sourire, discrètement avec la bouche mais franchement avec les yeux. Elle ne savait pas comment l'expliquer, mais elle arrivait quant même à tromper tout le monde. C'était devenu un réflexe : quant elle était blessée, en colère, frustrée ou triste, ses lèvres s'étiraient en un petit sourire mignon et ses yeux se plissaient quelques dixièmes de secondes, pendant une durée trop courte d'un ou deux centièmes de secondes. C'était assez pour laisser croire à n'importe qui qu'elle était de bonne humeur, mais pas assez pour communiquer cette fausse bonne humeurs aux neurones miroirs de son interlocuteur.

« Pas de soucis. Suivez-moi. »
Mary s'engageant entre les tables, se faufilant jusqu'à un petite table un peu isolée au fond. Elle attrapa une carte au passage et s’arrêta devant une petite table affectueusement surnommée "La bureau des cancres" par le staff : elle était au fond de la salle, prés du radiateur.
Elle était toujours souriante, presque enjouée.
« Vous voulez un apéritif ? »
la serveuse prit note de la réponse et enchaina la suite de son speech.
« Pour ce qui est du plat du jour, on a des lasagnes saumon-épinards, bien riche en Feta aujourd'hui d'ailleurs.
Je vous laisse choisir. »
Mary repartit aussi vite qu'elle était venue, c'est-à-dire pas spécialement rapidement mais avec un certain empressement, en embarquant le second couvert qui occupait la petite table où elle avait installé sa cliente.
La jeune femme avait mal aux pieds et sentait le goût désagréable du tabac dans sa bouche. Ça lui collait une sale envie de fumer, qu'elle interpréta mal en bonne non-fumeuse comme une impression que le monde s'était liguée contre elle ce soir.
Et cela la fit sourire.

Elle débarrassa deux tables, porta les couverts à la plonge et jeta le reste avant de retourner assez rapidement à la table de la petite blonde.
« Vous avez choisi ? »

Spoiler:

| Dernier service

Sans grand enthousiasme, tu t'étais laissée guider vers une table située au fond tout près d'un radiateur. Baissant les yeux sur celui-ci, tu l'effleura des doigts par réflexe comme pour vérifier s'il était en marche. Il l'était. Silencieusement tu laissas échapper un soupir de soulagement mêlé à une pointe de bien-être, avant de reporter ton attention usée par la fatigue sur ton interlocutrice. Les mots traversaient ses lèvres purpurines comme un monologue qu'elle aurait apprit à la syllabe près. Cela en était presque vexant de reconnaître que tu n'étais qu'une pauvre habituée parmi tant d'autres, et surement pas la plus enjouée ni la plus agréable par dessus le marché.
Sans que tu ais le temps d’esquisser l'ombre d'un mot la jeune femme se volatilisa, dansant d'un pas léger forgé par l'habitude - sans doute - entre les quelques tables avoisinantes. Tu préféras donc reporter ton attention à la carte qu'elle t'avais foutu entre les mains. Tes yeux avaient beau survoler les titres des plats doublés de leurs photos respectives, rien n'y fit, ton esprit était ailleurs. Pas moyen de le rassembler suffisamment pour faire ton choix. De toute manière tu n'étais pas venue dans ce restaurant pour leurs qualités culinaires. Un sourire acide étira tes lèvres un instant à cette dernière pensée.

Tu grelottas un instant sans le vouloir, avant de remarquer que la jeune demoiselle qui t'avait été attitrée revenait déjà vers toi.

« — Vous avez choisi ?
— Oui, hmmm... Je vous prendrait le plat du jour, là... Les lasagnes, ainsi qu'une bière 1664 25cl, s'il-vous-plais. Et je ne cracherais pas sur un café. Un double-expresso, ou n'importe quoi d'autre fera l'affaire. (d'un geste tu attiras son regard pour spécifier ta demande) En même temps que le plat, le café, s'il-vous-plais. »

Envieuse de rattraper ton impolitesse passée, tu cédas un maigre sourire désolé à l'attention de la serveuse. Son boulot ne devait pas être des plus sympathiques, si tous ces clients était d'une humeur de chien, tel que toi.

« — Si cela ne vous dérange pas, bien-sûr. »

A grand coups de stylo, Mary nota la commande de la jeune femme sur son petit carnet. Sous le numéro de table, elle écrivit "PJ, 1664 ½, Exprss x2".
« Pas de soucis, je vous amène ça »
Elle répondit avec un autre sourire tout aussi étrange. L’inquiétude de la cliente concernant le dérangement qu'elle causait à la serveuse aurait pu être touchant si jamais elle n'était pas partie pour rallonger la journée de tout le monde de vingt bonnes minutes et qu'elle était obligée de la servir sous peine de devoir récupérer son chèque et trouver un autre travail. Mais bon, au moins l'intention y était, ce qui n'était pas si courant.
Mary glissa son calepin dans la sacoche qu'elle portait sur la hanche, puis récupéra la carte. Juste avant de partir, elle passa la main sur le radiateur. Elle avait l’impression qu'ils avaient été coupés, mais non. Elle était déjà prête à faire un détour par la cuisine pour ré-enclencher l’interrupteur qui se coupait mystérieusement pour des raisons d'économies, mais le métal était chaud. C'était bizarre, mais elle ne pris pas vraiment le temps d'y penser.

La serveuse traversa la salle, passa les portes de la cuisine et demanda un plat du jour à Junya, avant de repartir vers le bar. Elle passait sa vie à faire des aller-retours, et rêvait du jours où le resto allait passait aux commandes numériques. Elle tira un demi de bière pendant que la grande tasse se remplissait sous la machine. Elle pris un grande inspiration et repensa à son taf dans le petit pub de Kensington. Elle s'était faite virer à cause de Lilly, mais elle avait adoré ce boulot. Une fois la bière tiré, elle tira un plateau de sous le bar et y fourra le Demi, le double expresso et une carafe d'eau. Quelques instant plus tard, elle posait le tout sur la table de la jeune femme avec une petite formule banale. Le service était plutôt rapide ce soir, mais en même temps il ne restait que trois tables.
Mary n'eut pas vraiment le temps de s'attarder auprès de la jeune femme solitaire. La table des deux gros lourds la rappelait, probablement pour encore essayer de la draguer.
Pendant quelques secondes, elle perdit le sourire. Et paradoxalement, Mary avait l'air bien plus chaleureuse quant elle faisait la gueule. Son faux sourire attirait la suspicion, alors que sa moue maussade et véritable attirait la sympathie.
Mais très vite, elle plaqua de nouveau un sourire chaleureux sur ses lèvres et reparti bosser.